A l’échelle de l’Univers on pourrait le qualifier de « petite étoile ». Et pourtant. Si « petit » qu’il soit, nous ne pourrions vivre sans lui. La Vie est apparue sur la Terre, notre bonne vieille Terre, grâce à lui.
Notre Soleil, sans qui nous ne pourrions continuer à vivre, tout simplement. Et ce matin, j’avais rendez-vous avec lui.
Dans mon monde à moi, chacune de ses apparitions est comme un nouveau commencement, semblable à celui d’hier. Et pourtant, à chaque fois j’y vois comme la naissance d’une nouvelle journée de vie, une nouvelle partition de musique silencieuse, une nouvelle poésie, un nouveau matin, comme si c’était le premier : Le Matin du Monde !
Un matin comme un autre penseront certains. Peut-être, mais pour moi, pas tout à fait. J’avais envie de revivre ce moment magique où il m’apparaîtra. Tout d’abord de façon imprécise.
Juste une vague lueur émergeant derrière l’horizon très bas de ces mers et océans que j’ai parcourus durant mes jeunes années.
Aujourd’hui ce n’est pas un bateau qui me mènera contempler ce spectacle, mais c’est quand même un vrai vaisseau. Le seul vaisseau qui soit digne de l’appellation pour « naviguer » à terre tant il présente de similitudes avec les nefs traçant leur sillage sur les étendues Marines : Ma Moto.
Au même titre qu’un navire, un bateau, la Moto, on en prend soin. On la prépare, on vérifie ses œuvres vives, on s’assure que tout est prêt.
Les pleins et les niveaux sont déjà faits depuis la veille. Le bulletin météo nous promet un rendez-vous agréable et...lumineux !
Les éphémérides nautiques me disent que le lever de l’Astre Solaire est prévu pour 07h00, heure légale ; 06h00 Zoulou, ou T.U. ( Temps Universel )
On va donc raccourcir ; un peu, son temps de sommeil et « appareiller » encore à la nuit. Tout cela pour être sûr de ne pas manquer les premières lueurs, l’Heure Bleue* et enfin la naissance du jour. La lumière du matin qui enterrera l’Arche Étoilée mourante.
Pas un bruit, pas un chat, pas âme qui vive. Pas encore. Instant parfait. Le premier mouvement inaugurant cette quête dans laquelle j’espère trouver ce moment unique. Une parcelle de Temps qui ne s’arrêtera pas, ne se figera pas mais continuera sans se soucier des vanités humaines.
Mon vaisseau attend son capitaine, son timonier, son navigateur, son matelot, son pilote. Je suis tout cela à la fois.
Ne voulant pas encore troubler l’immobilité silencieuse et encore nocturne du voisinage, je sors la Belle sans bruit.
Je termine les ultimes vérifications. Sacoches gréées et chargées, bien arrimées. On pousse un peu tout cet équipage sur le chemin, toujours en silence.
La fraîcheur est encore là, pas vraiment du grand froid, mais suffisamment pour apprécier la veste est ses couches isolantes.
On capelle le casque, les gants ajustés colmatant soigneusement mes manches rembourrées.
Ça y est. 06h10, le start-engine n’effacera pas les premières trilles des oiseaux encore à attendre ; eux-aussi, la promesse de l’Aube.
Je pense que je vais être tranquille sur la route. En effet, une ou deux carrosseries à quatre roues sont croisées et...c’est tout. La petite route au départ de chez moi est encore déserte.
Quelques kilomètres seront nécessaires pour porter la machine à sa température de « service » optimale et c’est parti pour se faire un peu plaisir. L’allure va crescendo et les trajectoires se dessinent à un train un peu plus énergique qu’à mon habitude.
Normal, je profite que « la route est à moi » pour faire grimper la Belle sur un bon rythme en tours/minute et je commence à enchaîner les courbes avec un sourire « niais » sous le casque.
Je la connais bien cette petite route qui part de mon village pour rejoindre La Valette. Néanmoins j’ouvre l’œil car elle est quand même dangereuse par endroits. Pas un seul rayon de courbe identique où se « planquent » quelques traînées de gas-oil bien gratinées. Gaffe à ne pas se vautrer lamentablement, cela gâcherait la fête.
Mais non, rythme bien honnête quoique un rien plus « viril » que les apathies habituelles. Pas de glissades sur du « corned-beef » et le cornering-light est bien utile sur cette suite de virages.
La Valette. Fin de la récréation. On redescend à une allure civilisée et de barbare barbu on redevient Tonton Placide.
Je vais me fader un zeste d’autoroute, histoire de ne pas être en retard pour mon rendez-vous. Là, ça circule un peu plus.
Je me cale sur le maximum « autorisé », les 110 km/h réglementaires autant que vraiment chi...ts !
Hyères-les-Palmiers me voilà. Rond-point Petit puis bifurcation vers l’Almanarre puis La Capte et enfin la Plage de la Badine, ma destination première.
L’intérêt est qu’on peut quasiment aller « sur la plage » en bécane. Bon, j’exagère un brin. En fait on va jusqu’au bout d’un parking puis 20 m après c’est la plage et...Mare Nostrum !
Tout ce qu’il me faut pour attendre le lever du Soleil. Là encore, instant de félicité parfaite : pas l’ombre d’un quidam ni même d’une dame.
Je parque ma machine en position de « départ », tournant le dos à l’étendue sableuse puis marine.
Voilà, il n’y a plus qu’à ...laisser venir. Encore nuit noire. Enfin, pas tout à fait car on distingue les marques latérales rouges et vertes balisant l’entree du Port de Hyères.
Au loin on devine plus qu’on ne distingue l’Ile de Porquerolles avec à gauche le Cap des Mèdes où figurent deux « dents » rocheuses que je connais bien. Il y a bien des années, déguisé en scaphandrier j’explorais les lieux en...profondeur !
D’ailleurs, pour les amateurs il y a ( avait ? ** ) une épave très connue un peu plus loin de ce Cap : Le Donator. Un cargo victime d’une torpille allemande pendant la seconde guerre mondiale l’a expédié par le fond, au Royaume de Davy Jones. La flèche d’un de ses mâts de charge était atteinte vers les 25 m et la quille descendait jusqu’à plus de 55 m.
C’est marrant comme les souvenirs refont surface en revenant sur les lieux d’anciens « crimes ».
06h55....ça y est, je commence à percevoir une légère déchirure dans le manteau des ténèbres. Un léger souffle de vent vient faire un peu frissonner mes vieux os, à moins que ce ne soit que les prémices du spectacle attendu.
Qu’importe, je suis en solitude paisible. Je viens encore de trouver comment ralentir le Temps. Une fois de plus. Je confirme la recette, je la valide.
Bâillonnez votre mobile. Enterrez-le dans sacoche de réservoir ou autre poche ; portefeuille ou pistolet, au choix et rien ne viendra troubler votre méditation béate.
Il faut quand même être patient. Le lever du jour et l’apparition du disque solaire ne sont pas instantanés. Ce serait dommage car toute la magie est là : accorder du temps au... Temps !
Mais ça vaut le coup d’oeil et d’en ressentir l’ambiance.
Voilà maintenant les flammèches d’Hélios qui embrasent la bordure du front nuageux qui a eu la mauvaise idée de s’emparer de l’horizon.
Encore un peu de patience puis ce sera l’Heure Bleue* , magnifique instant très prisé des photographes. Ensuite la nuit se sera retirée, cédant sa place à notre Étoile Brillante et ses mille feux.
Je reste encore là, goûtant chaque variation dans la lumière éclairant un nouveau matin, un autre matin, un Matin du Monde.
C’est curieux. Je l’ai contemplé, observé maintes fois ; à terre, en bord de mer et en mer, mais j’y vois toujours quelque-chose de nouveau.
C’est la même chose, le même phénomène et pourtant cela ne l’est pas. Un ou plusieurs nuages, des oiseaux, un navire au loin, un vieux pêcheur et sa barque. Rien n’est jamais pareil.
Même cet horizon est changeant en demeurant identique. Il s’habille d’une lumière différente mais reste cependant le même. Il ne nous offre qu’une limite, celle de la portée de notre regard qui s’étendra au-delà à travers nos rêves.
Ce n’est pas une fin, juste le début, celui d’une invitation au voyage.
Qu’il soit au-delà de notre vision, notre géographie il est aussi intérieur. Une autre façon de s’évader, de voyager...sans se déplacer.
Le Temps semble ne plus exister malgré la course du Soleil dans le ciel. Et voilà comment estomper les tracasseries qui nous agressent. A ce moment, personne ne pourra vous enlever ce que vous avez vu, ce que vous avez vécu, juste comme ça un matin, un matin de Notre Monde !

A bientôt les Fadas !
Puissiez-vous, vous aussi contempler tous les Matins du Monde...
* L’Heure Bleue : L'heure bleue est la période entre le jour et la nuit où le ciel se remplit presque entièrement d'un bleu plus foncé que le bleu ciel du jour. Elle correspond plus précisément à une période courte du crépuscule nautique ou de l'aube nautique.
L'heure bleue est causée par un mode particulier de diffusion des ondes lumineuses, dit diffusion de Rayleigh, qui détermine la couleur du ciel. Les Photographes, eux, évoquent l’Heure Bleue. C’est sans doute plus…poétique
** Je dis « il y a » mai peut-être devrais-je ecrire « il y avait »….cela fait bien longtemps que je n’ai plus plongé sur cette épave et donc, je ne pourrai être totalement affirmatif sur son état actuel. La Nature mettant un point d’honneur, au fil du Temps ( encore , hein
), à effacer les blessures quelui inflige l’Homme, il ne reste peut-être pas grand chose à « voir » pour les amateurs de plongée sous-marine 
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….c’est toujours un plaisir de partager et encore plus quand je réussis à amener d’autres « rêveurs » à s’evader de ce quotidien qui est tout sauf aussi stimulant que nos escapades. Enfin, j’aime bien dire et écrire tout que je « vis » dans mes modestes balades.
et merci pour être venu partager mes moments d’evasion… Je repense aussi aux tiens et ton fabuleux périple vers le Cap Nord. Cela aussi ; et je le devine au-delà de tes mots, était plus qu’un « simple » Road-Trip. Il y avait, selon mon modeste ressenti, un autre voyage que celui de cette « longue route » et j’y ai pris plaisir à parcourir ses chapitres.
, pas totalement étrangers à cela.